En 1993, suite à une série de consultations, nous avons constaté auprès des organismes œuvrant en matière de violence conjugale et familiale que la participation et la visibilité des lusophones au sein des institutions québécoises sont encore très modestes, comparativement à celles des autres communautés. Ceci est dû au fait qu'une grande majorité de femmes sont aux prises avec des barrières linguistiques et culturelles. Les maisons d'hébergement pendant les cinq dernières années, ont reçu douze femmes d'origine portugaise.
Le rôle du leadership attribué à la communauté, au détriment des valeurs individuelles, finit par contraindre dangereusement les femmes victimes de violence à se taire devant l'ampleur du problème. L'ensemble de ces facteurs provoque un grand isolement et un repli sur soi. Cette situation nous amène à intervenir auprès de la communauté pour alléger les souffrances des femmes qui la vivent, mais aussi pour prévenir et contrer la violence.
Un projet de formation pour intervenant(e)s bénévoles en matière de violence conjugale et familiale constituait le début de nos activités. Pour le réaliser, nous avons fait une demande d'aide financière au programme de soutien financier à des projets d'organismes communautaires du Ministère de la justice du Québec qui nous a été octroyée pour une durée d'un an. Les objectifs de ce projet consistaient, en un premier temps, en la formation de bénévoles et d'autres intervenant(e)s issus de la communauté lusophone, capables de faire du dépistage, de l'orientation, de la référence et d'intervenir en situation de crise. Ils seraient donc à même de devenir des agents multiplicateurs. Dans un deuxième temps, sensibiliser la communauté lusophone aux causes et aux conséquences de la violence conjugale et familiale sur les individus et la société était aussi notre objectif.
Au cours de ce projet, nous avons été confrontés à plusieurs réalités en recevant non moins de quarante-cinq demandes d'aide de victimes de violence. Les résultats de notre travail sont déjà significatifs si nous faisons la comparaison entre notre Centre et les maisons d’hébergement, qui nous ont amenés à faire d'autres projets:
1. Une demande d'aide financière au Patrimoine canadien pour un programme de participation et d'appui communautaire en violence familiale nous a été octroyée et, pour complément du premier projet, nous avons effectué la traduction en portugais et la reproduction de la brochure « Madame, la justice peut aider »;
2. Le Projet « Partage » servant à créer un groupe d'aide et d'entraide pour briser l'isolement et alléger les problèmes des femmes victimes de violence conjugale et familiale a été réalisé grâce à une demande d'aide financière présentée aux Partenaires du Cardinal, laquelle a été accordée pour une durée de 6 mois;
3. Le Projet « Action Lusophone » consistait en des sessions d'informations et de sensibilisation sur la problématique de la violence conjugale et familiale. Pour le réaliser, une demande d'aide financière fut présentée au Ministère des affaires internationales, de l'immigration et des communautés culturelles qui nous a accordé un financement d'une durée d'un an.
À cette époque, l'organisme était chapeauté par l'Association portugaise du Canada puisqu'il n'y avait pas d'existence juridique distincte. Tous les projets se sont réalisés avec l'aide de plus de cinquante bénévoles. Le groupe Partage, composé de dix-sept femmes victimes de violence conjugale ainsi que des bénévoles, a initié les démarches pour obtenir une charte qui accordait l'indépendance juridique à notre organisme. En octobre 1995, nous avons entrepris les démarches nécessaires pour incorporer le Centre d'aide à la famille et c'est le 16 janvier 1996 qu'il a obtenu sa charte d'incorporation.
Le travail entrepris depuis près de douze ans nous a permis de cerner les types de problèmes relatifs à la violence conjugale et familiale dans notre communauté. La clientèle desservie par le Centre d'aide à la famille éprouve d'immenses difficultés à utiliser les services existants dans le réseau. Lorsque la problématique est traitée à l'intérieur de la communauté, les victimes se sentent davantage appuyées. Elles sentent également qu'il y a moins d'isolement, même si le problème de la violence conjugale et familiale demeure une affaire que l'on cache dans 95% des cas.
Depuis que nous œuvrons au sein de la communauté lusophone, nous avons développé des liens avec d'autres communautés: italienne, chinoise, grecque, etc. Nous avons développé des collaborations avec des partenaires et des liens avec les différentes ressources du milieu: maisons d'hébergement, CLSC, écoles et autres organismes communautaires œuvrant dans le même domaine, Substitut du procureur général, Direction de la protection de la jeunesse, hôpitaux, avocat(e) s, policier (ère) s, notaires, travailleur(e) s sociales et autres personnes ressources pour les cas particuliers.
Nous sommes conscients que notre travail est très important malgré l'effort d'une majorité de leaders de notre communauté pour nous ignorer et nier le problème de la violence.
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