"Quand il la battait, il me battait aussi. À 8 ans, j’ai dû fuir de la maison parce que ma vie était en danger. J’ai dû abandonner ma mère, mes frères et mon village".
Je suis une jeune femme née en Angola fille d’une mère Angolaise et d’un père Portugais. Mon enfance n’a pas été facile. Je suis née en 1972 et, peu après, les Angolais revendiquaient l’indépendance du pays. C’était une période très instable. Mon père a été forcé d’abandonner le pays et je suis restée avec ma mère, étant donné l’impossibilité de pouvoir l’accompagner. Ma mère est noire et je suis mulâtre : cela causait une grande disparité parce que toute ma famille maternelle est noire.
J’ai commencé à souffrir de mauvais traitements, de discrimination et de racisme. En plus, j’ai payé pour les erreurs commises par mon père : ses abus de pouvoir, la violence qu’il a exercée sur ma mère, le fait que ma mère avait 16 ans et lui 52, et qu’il l’a violée. Elle ne voulait pas de cette grossesse, mais elle a été obligée de me garder. Ma mère est restée traumatisée au point de me détester et vouloir que je disparaisse de sa vie comme mon père. Ma mère s’est remariée avec un autre homme de qui elle a été victime, et moi aussi. Quand il la battait, il me battait aussi. À 8 ans, j’ai dû fuir de la maison parce que ma vie était en danger. J’ai dû abandonner ma mère, mes frères et mon village.
Plus tard, la violence physique a commencé. Ses défauts ont commencé à ressortir et à se faire sentir. Je restais à la maison à attendre qu’il arrive avec de l’argent pour acheter du lait et d’autres choses indispensables, mais, quand il arrivait, il n’avait rien parce qu’il avait tout perdu dans les machines à sous. Ainsi, il n’y avait rien dans la maison. J’étais fatiguée d’être à ses ordres et d’être contrôlée par lui. J’ai commencé à sortir de la maison et j’ai voulu aller à l’école. Un jour, je n’ai pu prendre l’autobus à l’heure et je suis arrivée tard à la maison ; il a commencé à s’imaginer des choses. Il a donné des coups de poing dans les murs au point de faire des trous. J’ai dû acheter du ciment et les couvrir pour que mes parents ne le découvrent pas.
Seule, je suis allée à la capitale, Luanda, où j’ai dû vivre dans la rue. Je pense même que j’ai été un des premiers enfants de la rue en Angola. Puis, j’ai été accueillie par un couple, travaillant pour l’ONU, qui avait été transféré en Angola pour une mission temporaire ; la femme était Angolaise et l’homme, Suisse, respectivement psychologue et médecin. Ils m’ont beaucoup aidée par rapport aux traumatismes que j’avais subis et aux mauvais traitements dont j’avais été victime. À la fin de leur mission, comme ces gens n’avaient pas eu le temps de m’adopter, je devais retourner dans mon village, mais je ne voulais plus y retourner.
Je me suis rebellée et je ne voulais pas vivre dans la maison plus longtemps parce que je m’étais attachée à ce couple et que la séparation était douloureuse. J’étais très rebelle et j’ai commencé à me promener de maison en maison jusqu’à ce qu’à 16 ans, je tombe enceinte et, ironie du sort, cet homme a nié ma grossesse et m’a abandonnée. J’ai dû survivre seule. Pendant ma grossesse, je dormais dans des poulaillers et, quand mon bébé est né, j’ai marié un homme d’un certain âge qui a accepté ma condition et adopté ma fille.
Je me suis soumise pendant deux ans pour avoir un toit pour moi et pour ma fille pendant que lui buvait beaucoup. Enfin, la vie n’est pas facile. J’ai traversé le monde et les océans et j’ai surmonté une série d’obstacles pour arriver ici. Je ne sais pas si c’est ainsi pour tout le monde, mais il me semble que, quand nous avons eu une enfance difficile, nous sommes habitués à cela et vivons toujours des choses tendues. Je suis à la recherche de mon identité.
Je cherche la paix intérieure, la stabilité, j’ai besoin de savoir qui je suis et où je vais. Je suis arrivée il y a peu de temps au Canada et j’ai eu ici un problème de violence conjugale. Je suis allée dans un centre francophone et, là, on m’a dit qu’il existait un centre pour la communauté portugaise et on m’a référé au Centre d’aide à la famille. Je me suis sentie très bien accueillie au CAF, parce que j’ai rencontré ici des gens d’Angola et cela m’a aidée à me sentir plus forte. J’ai été très bien reçue par l’intervenante qui m’a expliqué comment fonctionnait le Centre et m’a beaucoup aidée psychologiquement. Elle m’a donné le réconfort et les mots nécessaires. Elle m’a aussi expliqué les moyens que j’avais pour sortir de la situation dans laquelle je me trouvais. Tout cela m’a beaucoup aidée, mais, quand une personne a une dépendance, c’est difficile pour elle de croire immédiatement dans les services offerts. C’est seulement le temps passé que nous nous apercevons de cela.
J’ai dû prendre conscience de tout ce qui était en train de se passer pour me reconnaître dans le cycle de la violence. J’aimerais dire à toutes les femmes, qui vivent des problèmes et sont à la recherche d’aide, qu’elles doivent fondamentalement croire dans les personnes qui les aident. Je sais que ça prend du temps, qu’il y a plusieurs étapes, mais ça en vaut la peine. Il est important de s’ouvrir, se confier, sortir de ses problèmes parce que cela nous contamine, nous fait mal et c’est un cercle vicieux qui se transmet de génération en génération.
Nous pouvons en finir avec la violence. Nous devons agir.
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